Monsieur le Maire,
J’ai lu avec attention le rapport de la commission communale d’accessibilité.
Notons tout d’abord que la ville a réintégré depuis 2021 la mission accessibilité précédemment dévolue à la métropole. Quand on vous parle de l’échec de la mutualisation, encore un exemple concret.
Ensuite, à propos de l’Agenda d’Accessibilité programmée, l’ADAP, voté en 2015 pour 9 ans. Je ne peux m’empêcher de constater qu’on est tout de même assez loin de l’investissement promis à l’origine.
De 2015 à 2024, la ville aurait dû investir 11,8 millions d’euros. Alors que nous devrions en être à 8,4 millions d’euros investis à ce jour, il manque 3 millions. 7 ans après le lancement du plan, nous en sommes à 89 équipements accessibles soit… 32% des ERP. C’est maigre.
Bien sûr, j’entends vos explications sur l’impact du COVID pour 2020, 2021. Mais ça n’explique pas tout. Encore en 2022, le différentiel est de plus de 800 000 euros. Et vu l’état budgétaire de la ville, on ne rattrapera pas le retard d’ici la fin de l’agenda.
Au-delà de l’ADAP, comme dans chacun de vos rapports, on ne trouve aucune proposition ni même aucune déclaration d’intention à propos de sujets pourtant essentiels pour l’accessibilité : que ce soit sur la suppression des feux de traversée décidée lors du précédent mandat, la suppression de places de stationnement PMR, les parents d’élèves contraints de faire une pétition pour dénoncer les refus d’accueil de leur enfant en situation de handicap dans des MJC et dans le périscolaire de la ville, ou encore l’état de dégradation de la voirie dans de nombreuses rues qui complique considérablement les déplacements des personnes à mobilité réduite.
Toujours sur le sujet de l’espace public, un chiffre est particulièrement symbolique de notre retard. En 2022, 26% des carrefours métropolitains sont équipés de feux sonores selon vous. Cet été, l’association Valentin Haüy avançait quant à elle le chiffre de 17%. Quoi qu’il en soit, nous sommes très loin du compte pour ce qui est pourtant une obligation légale. À Lyon, 98% des carrefours sont équipés !
À propos de l’accessibilité des logements, vous mettez beaucoup en avant votre fameuse charte pour l’urbanisme et l’habitat favorable à la santé qui, je le rappelle, n’a aucune valeur contraignante et relève plus du plaisir solitaire intellectuel pour élu.
Plus concrètement, l’un de sujet majeur pour l’accessibilité des logements est celui des pannes d’ascenseurs récurrentes qui handicapent de très nombreuses personnes en situation de handicap qui ne peuvent emprunter les escaliers seules.
J’ai lu avec attention le compte-rendu de la commission métropolitaine d’accessibilité du 13 juin 2023, où notre ancien Vice-Président au logement M. Béron Pérez évoquait des pistes pour traiter la question des pannes.
Pour le neuf, il suggérait la mise en place de deux ascenseurs pour qu’il y en ait toujours un fonctionnel. Voilà une riche idée pour alourdir un peu plus la facture des opérations d’aménagements gérées par des SEM, où le contribuable grenoblois éponge allègrement les déficits d’opérations.
Pour ce qui est de l’existant, notre regretté Vice-Président logement souhaitait, je cite, “inciter les bailleurs sociaux à faire un diagnostic des ascenseurs : âge, état, maintenance, et disponibilité des pièces de rechange”. On est soufflés par un tel volontarisme.
Alors que les élus ont la main sur ACTIS et Grenoble-Habitat, deux bailleurs très soumis à ces pannes, et pourraient appuyer pour une réactivité quasi immédiate lorsqu’il y a un problème dans un logement mais pourraient aussi imposer qu’un tel diagnostic soit effectué en amont, on se contente de disserter sur l’éventualité de proposer aux bailleurs de surveiller leurs ascenseurs. On aimerait bien savoir où en est-on de cette incitation 6 mois après cette réunion.
Pour le reste du rapport, on retrouve un mélange entre des obligations légales et pas mal de communication.
Par exemple, il est beaucoup fait mention des associations, de la nécessité de travailler en lien avec, etc. Mais je remarque, dans le compte-rendu de la CCA du 24 octobre, que parmi les interrogations, “la question de la place des associations du champ du handicap dans les échanges sur les accessibilités des ERP, des espaces publics est posée”.
Bien sûr nous n’aurons pas plus de détails, mais il me semble que le fait de s’interroger à ce propos dénote un certain décalage entre le discours affiché et la réalité de la participation citoyenne et associative. Rien de nouveau, on a l’habitude.
Et enfin, c’est votre spécialité, vous n’avez pas pu vous empêcher, dans votre folle course aux labels, de candidater à “l’Access City Award”. Une récompense créée par la Commission européenne.
Candidate en 2023, Grenoble a reçu comme unique distinction la mention spéciale transports en commun. Et on en a pas beaucoup entendu parler de votre part, à la différence de nombre de labels obscurs que vous décrochez.
Si je voulais faire preuve de mauvais esprit, je m’interrogerais sur le lien entre cette relative discrétion et le fait qu’on doive le premier tramway accessible aux personnes en situation de handicap à la municipalité Carignon.
Car je vous rappelle que votre bilan en la matière est moins glorieux : en 2015, quelques mois après votre élection, alors que vous preniez le contrôle du SMTC et de la TAG, vous interdisiez les fauteuils de type scooters électriques dans les trams. Il aura fallu notre intervention auprès du Président du SMMAG actuel pour rétablir leur autorisation.
Voilà donc les quelques remarques que m’inspire ce rapport. Si on retrouve quelques initiatives sympathiques et bienvenues, la teneur générale de ce document plein d’auto satisfecit nous dérange. Parce qu’on le voit, en matière d’investissements concrets et de résultats, on est encore loin de la ville inclusive que nous appelons tous de nos vœux.
Je vous remercie.