Je me permets d’intervenir à la fois à propos de cette décision modificative, et à la fois à propos du rapport d’orientations budgétaires car nous sommes confrontés ici à la même histoire.
Celle d’un automobiliste qui voit le mur arriver devant lui et qui continue malgré tout d’accélérer. Vous me permettrez d’utiliser cette image pour illustrer mon propos, maintenant que l’on sait que vous ne rechignez pas à vous faire conduire en voiture pour vos déplacements.
Cette voiture, c’est la ville de Grenoble. Pour la faire avancer, son conducteur, que nous appellerons Eric, n’a pas lésiné sur les moyens.
Quand il a pris le volant en 2014, il a immédiatement contracté un gros emprunt pour solder la conduite de son prédécesseur et pouvoir démarrer.
Ca n’a pas suffi car deux ans plus tard, en 2016, nous voilà au bord de la panne. Notre cher conducteur s’est alors délesté en catastrophe de services essentiels afin de pouvoir continuer à avancer. C’est le fameux plan de sauvegarde, qui n’est qu’un plan d’austérité mal nommé à dessein, et qui a aboutit notamment à la fermeture de deux bibliothèques.
En 2022, rebelote. Nouvel emprunt massif, le plus élevé de l’histoire de la ville, pour se donner les moyens d’aller de l’avant.
En 2023, c’est l’apothéose. Avec tout d’abord l’augmentation explosive des impôts, qui nous consacre première des grandes villes pour la taxe foncière, et de loin. Votre stratégie pour continuer de rouler : faire les poches de vos passagers qui n’ont plus le choix, alors que vous leur aviez promis avant de monter à bord que vous ne toucheriez pas à leur portefeuille.
Comme ce n’est toujours pas suffisant, vous entamez en parallèle un autre chantier : celui de vendre à prix d’or des outils essentiels à notre véhicule, qui nous permettaient de le piloter avec davantage d’options. C’est la vente des bijoux de famille, ces SEM aux œufs d’ors constituées par des générations de Grenoblois. Vous avez commencé avec GEG en 2018 pour 30 millions d’euros, vous souhaitez poursuivre avec la compagnie de chauffage pour 11 millions et surtout avec Grenoble-Habitat pour 37 millions.
Grenoble-Habitat, justement. Votre tentative de brader le bailleur se heurte à un mur de contestations et apparaît de plus en plus incertain. Après avoir repoussé la recette attendue de 2022 à 2023, voilà que vous la repoussez à 2024. Cette année comme la précédente, nous vous avions prévenus du danger. Compter sur cette recette plus qu’hypothétique, nous pouvons presque dire fictive désormais, pour monter le budget relève de la folie. Encore une fois nous avions raison. Encore une fois vous n’avez rien écouté, incapable de la moindre remise en question à un point presque pathologique.
En résulte un trou de 37 millions dans le budget de cette année. Très concrètement, cela se traduit par des investissements en moins pour notre véhicule… et surtout par un emprunt supplémentaire de 21 millions pour qu’il reste sur la route. Le record d’endettement de l’année précédente est battu. Décidément, avec vous on enchaîne les distinctions.
Le mur au loin, dont la voiture se rapproche un peu plus chaque jour, c’est celui du remboursement de la dette et de la période de vaches maigres qui attend les Grenoblois.
Car malgré tout ce que j’ai évoqué précédemment, toutes ces décisions à la petite semaine pour maintenir en état de marche ce qui s’apparente de plus en plus à une épave, vous avez été incapable d’engager une révision en vous penchant sur les problèmes structurels du véhicule qui consomme toujours plus de carburant. Bien plus que les autres véhicules de la même gamme.
C’est le poids ahurissant des dépenses de fonctionnement, déjà bien au-dessus de la moyenne des villes de notre strate, qui s’aggrave chaque année et va continuer de s’aggraver. Car vous avez été incapable de profiter de la métropolisation pour mutualiser les services, car vous n’avez cessé d’embaucher alors que les Grenoblois constatent bien que plus d’agents ne signifient pas un meilleur service rendu, car vous avez beau être fan de nouveaux indicateurs et gadgets du genre, vous être en fait incapable de la moindre créativité pour trouver des pistes d’économies, vous contentant de répéter à l’infini des recettes qui remettent toujours à un peu plus tard la note très salée.
Résultat : les impôts explosifs et les bijoux de famille bradés n’ont pas suffit à colmater la fuite du réservoir. Vous avez donc et allez donc continuer de creuser la dette jusqu’au bout pour tenir.
Les chiffres parlent d’eux-même. En 2015, l’encours de dette du seul budget principal, sans compter celui des budgets annexes conséquent également, est de 252 millions d’euros.
En 2023, il atteindra 266 millions d’euros. Une belle progression, dont on se serait bien passé. Pourtant, le plus alarmant est à venir.
Dans votre rapport d’orientations budgétaires, vous estimez que nous redescendrions à 255 millions d’euros. Mais ce montant est basé sur l’hypothèse où nous percevrions les 37 millions d’euros de recettes de Grenoble-Habitat. Vu le déroulé du dossier, permettez-nous d’être plus que sceptiques.
Quoi qu’il en soit et même si vous vendiez GH, l’embellie serait de courte durée. L’encours repartira à la hausse dès 2025 avec 277 millions d’euros. Et explosera en 2026 pour atteindre 293 millions d’euros.
Voilà la réalité de votre gestion traduite par les chiffres. Les impôts, les ventes de SEM, le plan d’austérité ont juste permis d’acheter un peu de temps pour tenir jusqu’aux prochaines élections municipales. Car les dépenses de fonctionnement continuent de se creuser et en face, la dette pour compenser. Nous allons bel et bien nous retrouver dans le mur.
Mais tout cela, le conducteur s’en contrefiche. Car il l’a dit et ne cesse d’envoyer des signaux en ce sens. Ce qui l’intéresse, ce n’est pas Grenoble mais un plus gros bolide : la France.
Et ainsi Eric va sauter de la voiture en marche juste avant l’impact. Tant pis pour tous les autres passagers, qui auront à payer longtemps le prix de sa conduite désastreuse. Après vous, le déluge.
On ne vous remercie pas.