Monsieur le Maire,
J’espère, Monsieur le Maire, que vous avez décroché votre téléphone pour remercier Michel Barnier.
Ce serait la moindre des choses parce que vous avez trouvé en son gouvernement une excuse idéale pour faire oublier vos propres échecs. Vous en usez jusqu’à l’indigestion. Votre éditorial au rapport d’orientations nous assomme d’un vocabulaire politicien tout à la charge du gouvernement qui n’a rien à faire dans un document de finances. Comme si votre ligne de défense pour ce budget n’était pas assez claire, vous avez garni le document d’un filigrane “hors mesures Barnier” sur chaque page. Quelle subtilité.
Je relève avec amusement un certain nombre de piques que vous lancez à son égard. Vous lui reprochez ainsi “un vocabulaire trompeur”, un “déni des réalités”, et, ma préférée, “une méthode qui impose des mesures sans concertation”. Je le redis, vous devriez décidément remercier Michel Barnier voire carrément revendiquer que vous le soutenez tant vous avez des points communs si l’on croit à vos critiques.
Mais charger le gouvernement est pour vous une fausse excuse. Vous le savez bien mais nous nous devons de l’expliquer clairement aux Grenoblois. C’est une fausse excuse qui en dit surtout long sur votre cynisme. D’abord parce que le projet de loi de finances n’est toujours pas entériné donc vous brassez de l’air avec vos cris d’orfraies. Ensuite parce que ce n’est pas Michel Barnier qui est responsable de la situation de Grenoble.
Ce n’est pas Michel Barnier qui, en arrivant au pouvoir en 2014, a caché la vérité aux Grenoblois par solidarité politique et a accru immédiatement la dette par un emprunt catastrophe de 13 millions d’euros pour boucler l’année.
Là, en 2024, 10 ans après, vous continuez à faire de même. La dette pour sauter l’obstacle. Vous savez que c’est irresponsable, inefficace. En 2026, vous laisserez la ville avec un encours de dette de 300 millions d’euros de dette. Une augmentation de 20%, 50 millions de plus qu’en 2023, année où vous avez augmenté les impôts. C’est ça, la réalité de votre gestion.
Votre gestion, car vous ne pouvez pas vous abriter derrière la dette Carignon dont il n’existe plus un centime depuis 1999. Vous vous êtes d’ailleurs adossé à ce qu’ont laissé vos prédécesseurs pour endetter la ville et augmenter cette dette que vous jugiez si insupportable.
Ce n’est toujours pas Michel Barnier qui, en 2016, a voté un plan d’austérité pour échapper (déjà) à la mise sous tutelle. Ce fameux plan qui devait mettre durablement Grenoble à l’abri. Vincent Fristot a d’ailleurs trouvé une nouvelle explication baroque à ce plan de sabrage des services publics qui n’avait pas du tout été évoquée à ce moment-là : ce serait désormais la faute aux baisses des aides de l’Etat aux collectivités locales décidées par François Hollande.
Une fois Hollande, une fois Barnier donc. Et entre les deux, le nouvel emprunt catastrophe en 2022, c’était la faute à qui ? Votre matraquage des Grenoblois avec +25% d’impôts en 2023, c’était qui ? À Elisabeth Borne ?
Pour en finir avec l’épouvantail des mesures gouvernementales, je vais donner un ordre de grandeur pour que les Grenoblois comprennent bien à quel point votre cirque est démesuré par rapport à ce qu’il nous en coûterait. Vous évoquez une possible perte financière pour la ville de 10 à 12 millions d’euros. C’est moins d’¼ de ce que vous rapporte désormais chaque année la hausse d’impôt massive que vous avez imposée en 2023.
Nous aurions même pu économiser près de la moitié de ces 10 à 12 millions d’euros si vous aviez évité le fiasco de l’incendie du camp rue des Alliés sur un terrain municipal en demandant son évacuation en temps et en heure. Le contentieux avec l’entreprise Richardson ravagée par l’incendie nous a en effet coûté 6 millions au final.
Vous économiseriez également des millions sans vos fausses gratuités, usine à gaz en fonctionnement financées par les contribuables de la classe moyenne pour une maigre poignée de bénéficiaires ; sans ces projets coûteux auxquels habitants et commerçants s’opposent en masse comme Place de Metz, Avenue Jeanne d’Arc ou à Mistral avec deux pistes cyclables à 9 millions d’euros que personne ne réclame ; sans vos ateliers fumeux divers et variés, comme cette nouvelle expérimentation visant à expérimenter la participation citoyenne en quartier populaire.
Quand on voit ce que vous faites de la participation massive des habitants de la Villeneuve contre votre lubie de lac, et de toutes les pseudo concertations ailleurs, on sait déjà à quoi il faut s’attendre : à chaque fois avec ces instances pour endormir les opposants à vos projets, c’est votre “pouvoir d’agir” à vous qui se trouve renforcé, certainement pas celui des Grenoblois.
Concernant la prospective financière jusqu’en 2027, gouvernement ou pas gouvernement, rien ne change : nous sommes toujours sur la même trajectoire qui nous emmène dans le mur, que nous dénonçons régulièrement ici. Vous estimez que les dépenses de fonctionnement continueront de se creuser chaque année au rythme d’environ 12% par an et que l’encours de dette explosera d’encore 40 millions d’ici là, avec une dégradation de l’épargne nette. Tout ça, je le rappelle, alors que vous avez tiré aussi fort que possible sur la corde de l’impôt.
Vous résumez vous-même votre stratégie. Je cite : “cette prospective, conçue pour les années à venir, garantit la mise en œuvre des projets du mandat”. Comprendre : vos orientations ne vous permettent de tenir que jusqu’aux élections, ce que traduit le budget investissement prévu très haut en 2025, évidemment pas une coïncidence en cette année pré électorale, avant d’aussitôt se tasser. Vos successeurs vont hériter d’une bombe à retardement et de multiples contraintes.
Ces orientations ne garantissent aucunement un “avenir durable et vivable” aux Grenoblois. D’abord parce qu’elles ne laisseront quasiment pas de marge aux générations futures pour faire face aux défis qui les attendent. Mais à la limite, si encore on avait des résultats, on pourrait presque l’entendre : sauf que vous même n’aurez rien amélioré pendant vos 12 ans de mandat.
Votre fameux bouclier ne nous a protégé de rien. Pour le volet social, tous les indicateurs montrent la paupérisation terrible de Grenoble. Vous bandez les muscles en la matière alors qu’en réalité, vous écopez la mer à la petite cuillère : 17 ménages seulement accompagnés pour l’exclusion énergétique, 60 propriétaires occupants en difficulté, 300 000 euros pour créer des places d’hébergement d’urgence soit 0,6% de la hausse d’impôts…
Pour le volet climatique ce n’est pas mieux. Votre palmarès restera d’avoir fait de nous la 1ère ville de France pour les îlots de chaleur l’année même où vous fêtiez votre label capitale verte, comme l’orchestre continuant de jouer sur le Titanic. Vous pouvez financer à grands frais toutes les écoles du vélo que vous souhaitez, organiser toutes les “biennales des villes en transition”, sans remise en cause de votre politique d’urbanisme nous serons condamnés à prendre des mesures rustines d’une main pour freiner les effets de ce qu’on entretient de l’autre.
Vraiment, cette présentation est très inquiétante. Elle démontre qu’aucune leçon n’a été tirée des coups de semonce qu’ont été l’augmentation d’impôts de 10 % en 2008, le plan d’austérité de 2016, l’augmentation de 30 % en 2023, à chaque fois avec le dos au mur.
Vous refusez toute réforme de structure et poursuivez la course folle aux dépenses de fonctionnement qui asphyxient la ville aussi surement qu’un oedème pulmonaire tue par asphyxie des poumons. Malgré ces 3 alertes dont les Grenoblois ont été victimes, vous poursuivez dans les pratiques qui aggravent la maladie. Et c’est l’équipe du prochain mandat qui aura à trouver le remède contre un mal déjà bien trop avancé.
Nous ne vous remercions pas.