La mascarade de la participation citoyenne à Grenoble – 26 juin 2023 (#CMGrenoble)

par | Juin 26, 2023 | Interventions

L’intervention d’Alain Carignon lors du conseil municipal de Grenoble.

Monsieur le Maire,

Rappelons le d’emblée : les conseils citoyens indépendants ont précisément pour vocation d’être l’antithèse de leur appellation. Vous avez créé ces structures pour étouffer les unions de quartier, réputées trop indépendantes, elles, et pas assez serviles vis-à-vis de la municipalité en place.

La mascarade a vite éclaté. Dès le début de votre précédent mandat, vous invitiez au Conseil Municipal un membre de votre parti politique qui deviendra responsable des négociations électorales, en tant que citoyen chargé de vous interpeller au nom des habitants. Quelle belle vision de l’indépendance.

C’était prévisible et ça n’a pas manqué : les Grenoblois ont massivement boudé vos conseils, parce qu’ils font doublons avec des structures implantées depuis plus de 60 ans à Grenoble pour les plus anciennes. Vous reconnaissiez vous même l’échec de votre idée. En fin de mandature, ils étaient déjà devenus quasi intégralement inactifs.

Plutôt que de vous rendre à la raison, vous avez décidé de relancer la machine et fait voter l’an dernier de nouvelles modalités pour les CCI. Vous avez alors fixé des règles pour encadrer les discours et sujets dont ils se saisissent, à l’aune de critères dont vous êtes seul juge.

Vous avez affirmé clairement que le rôle de ces conseils est de, je cite, “vitaliser” la politique municipale. On comprend ce que ça veut dire. L’idée est qu’ils n’abordent que des sujets que vous estimez valorisants pour vous.

Vous écriviez d’ailleurs noir sur blanc dans la délibération votée l’an dernier que vous menez un « un travail de prospective citoyenne avec des habitants pour identifier leurs attachements au regard des limites planétaires et de l’impératif de justice sociale indispensables pour avancer dans une transition juste et partagée ». Celui qui sort du cadre, qui ne semble pas suffisamment attaché aux enjeux planétaires, dont les préoccupations quotidiennes l’empêche de se concentrer en premier lieu sur l’impératif d’une transition juste et partagée, peut donc être ignoré. 

Vous présentez également comme garantie le fait qu’ils ne sont pas présidés par un élu. Encore heureux. Mais personne ici n’est dupe et il ne suffit pas de ne pas être élu pour être indépendant.

Car d’un côté, on retrouve de nombreux militants proches de votre famille politique dans la poignée d’habitants qui composent les CCI. Je vous prends pour exemple une action très récente, celle du CCI 2 ce week-end pour nettoyer l’Alma, assez médiatisée. On retrouvait comme organisatrice une cadre d’EELV à Grenoble, suppléante de vos candidats pour les dernières élections départementales sur le canton Grenoble 2.

Encore moins discret : on retrouve à l’animation des CCI, comme auteur de la plupart des articles sur le site qui leur est dédié, un militant bien connu de votre microcosme politique. Quelqu’un que vous connaissez bien puisque vous aviez tenté d’imposer son frère, très actif aussi dans les mêmes sphères, comme candidat des verts aux dernières élections législatives contre l’avis des militants.

Vous avez encore une fois tenté de flouer les Grenoblois, en faisant croire à un “renouveau des conseils citoyens”, c’était le titre de votre délibération l’an dernier, alors que vous reprenez les mêmes recettes : des structures remplies de soutien pour être le moins dérangé possible.

Force est de reconnaître que cet objectif de disposer de structures dociles n’a pas été totalement atteint, comme nous avons pu l’entendre en début de conseil avec la question d’un représentant du CCI 1 venu au secours des unions de quartier.

Mais cela soulève un autre problème : les quelques personnes qui composent les CCI, quand elles ne comptent pas parmi vos soutiens, sont la plupart du temps issues des unions de quartier de leur secteur.  En terme de représentativité des habitants votre dispositif n’apporte donc à peu près aucune plus value par rapport à ces associations, déjà implantées et interlocuteurs de proximité légitimes pour toutes les municipalités qui vous ont précédé. 

Nous sommes logiquement opposés au fait de maintenir de telles structures aussi complexes pour un nombre limité de personnes, avec des chartes qui ont déjà été modifiées à trois reprises.

Tout cela participe d’une bureaucratie excessive : si l’on compare la quantité de paperasse générée par cette structure au cours des huit dernières années par rapport aux problématiques réelles de la ville qui auraient dû être prises en compte par les CCI, on constate qu’il n’y a eu aucun impact concret.

Nous sommes également opposés à un financement aussi élevé. 60 000 euros : voilà une somme qui revient à beaucoup par tête vu le peu de monde dans les CCI. Dans le même temps, vous menez une croisade insensée contre le CLUQ depuis près de 2 ans pour une pauvre subvention de 12 000 euros que vous refusez de verser directement. Une somme dérisoire par rapport à ce que vous mobilisez pour les CCI, mais elle permet à une secrétaire de conserver un emploi à temps partiel.

En réalité, vous mettez en place des mécanismes complexes pour vous donner un vernis participation citoyenne. Mais vous n’y croyez pas vraiment, tout cela relève de la communication, comme l’usine à gaz des “interpellations citoyennes” qui ne débouchent jamais sur des solutions qui satisfont aux revendications des initiateurs, ou vos budgets participatifs qui attirent de moins en moins de monde.

Vous laissez une petite marge de choix sur des sujets dérisoires, mais vous n’avez jamais consulté les habitants de Grenoble pour les grands projets impactant leur quotidien. Pas une fois vous n’avez demandé ou écouté des avis pour votre politique d’urbanisation massive, pour des sujets pourtant majeurs pour le commerce de centre-ville comme l’extension de Grand Place, le prix du stationnement, pour le transfert du patrimoine de l’eau à la Métropole, ou encore pour vos autoroutes à vélo pourtant aujourd’hui contestées même par des spécialistes du sujet.

Sur ce dernier sujet, le média en ligne Place Gre’net rapportait d’ailleurs récemment les propos d’un agent qui participait à une déambulation avec les élus et quelques habitants. Je cite : « Le sujet des pistes cyclables ne se prête pas à la coconstruction. Ce serait se raconter des histoires« . Voilà au moins qui est clair. Sur un sujet aussi structurant pour une ville, au moins autant qu’un nettoyage participatif d’une place qui sera à nouveau salie quelques heures après, vous en conviendrez, les grenoblois n’ont pas voix au chapitre. C’est assumé.

Notre position en matière de participation citoyenne est très claire. L’accumulation et la superposition actuelle des structures constitue un frein et participe à renforcer ce phénomène des “citoyens professionnels”, ceux qu’on retrouve dans toutes les instances municipales et métropolitaines lorsqu’il s’agit de participer ou au moins de faire semblant.

Vous pourriez commencer par répondre aux grenoblois et aux associations qui vous écrivent. Cela vaut pour vous comme pour vos adjoints. Être un Maire au milieu des grenoblois, répondre rapidement aux sollicitations : qu’il est loin le temps de vos engagements de 2014.

Ensuite, vous pourriez avoir l’humilité de consulter les grenoblois pour les grands projets structurants qui modifieront leur façon de vivre la ville. Pas seulement pour la couleur d’un jeu pour enfant ou la hauteur d’un poulailler. Il en va du respect et de la considération dont devrait témoigner un Maire à l’égard de tous ses administrés, la grande majorité d’entre eux n’ayant pas choisi son projet politique.

Enfin, il existe des unions de quartier, libres, indépendantes et reconnues par les Grenoblois. Vos prédécesseurs se sont appuyées sur elles, et sur leur instance de coordination, et ont joué le jeu parce qu’elles sont légitimes. 

Plutôt que de tenter de saborder tout ce qui est un peu trop poil à gratter à votre goût, si vous croyiez vraiment à la participation citoyenne, mais nous ne le pensons pas, vous vous appuieriez sur ce qui fonctionne déjà. Et vous accepteriez la contradiction. 

Nous ne nous faisons guère d’illusions, car chacun a désormais bien conscience de l’autoritarisme qui est le vôtre ; de votre “trumpisation”, ose avancer un ancien allié politique. Et nous ne voterons pas cette délibération qui ne vise qu’à entretenir votre système d’encadrement de toute expression.

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