Monsieur le Maire,
En 2017, vous avez lancé l’opération “Gren’ de projet”. L’objectif, louable, était alors de valoriser des bâtiments du patrimoine grenoblois jusque-là laissés en déshérence.
Il faut voir avec quel lyrisme vous défendez votre démarche. Je cite la publication de votre groupe en date de novembre dernier : “il ne s’agit pas seulement d’une modalité de mise en vente ou en location de certains biens, c’est un état d’esprit, une philosophie : faire la ville sur la ville, une ville intense, d’échanges et d’ouverture, une ville qui mutualise chaque mètre carré vacant, une ville qui met en valeur l’histoire et le patrimoine grenoblois”.
Au-delà de la poésie, je relève votre ode à la mutualisation de chaque “mètre carré vacant” alors que vous ne faites preuve d’aucune volonté pour utiliser les logements et locaux vides du patrimoine municipal, et encore moins pour ceux du parc social public.
Il faut aussi un certain culot pour parler d’une “ville qui met en valeur l’histoire et le patrimoine grenoblois”. Je ne m’épancherai pas sur le sort de la villa Kaminski, édifice classé que vous laissez aux mains de vos amis squatteurs d’extrême-gauche qui le dégradent, ou sur l’Église Saint-André qui va fêter ses 800 ans dans un état terrible de décrépitude.
Pour en revenir à “Gren’de projet” plus prosaïquement, il s’agit tout simplement d’un appel à projets. À la différence de l’appel d’offres, c’est une procédure très large, avec peu de restrictions dans les critères, qui permet au plus grand nombre de candidater. Et vous donne plus de marges de manœuvre pour sélectionner qui vous souhaitez.
Vous ouvrez en fait de très lourds chantiers, qui nécessitent de gros investissements, à des structures notamment associatives qui ne peuvent pas vraiment en assumer la charge. Et cela soulève plusieurs problèmes.
D’abord, le choix de cette procédure s’avère être un échec. “Gren de projets” devait concerner 6 bâtiments patrimoniaux à l’origine. En voici le bilan.
- Pour l’ancien musée de peinture Place de Verdun, la procédure n’a pas abouti. Evidemment : il faudrait 20 millions d’euros au bas mot pour rénover le bâtiment comme le dévoile l’étude que nous nous sommes procurés en saisissant la CADA. L’appel à projet ne pouvait dès lors qu’échouer, car il faudrait un appel d’offres ouvert à de très gros investisseurs pour supporter un tel coût.
- Idem pour la piscine des Iris, équipement que vous avez fermé en 2015 et qui est devenu une friche. La rocambolesque procédure de Gren de projets a échoué et vous avez finalement laissé le bébé à un collectif d’habitants qui après quelques maigres subventions doit désormais se débrouiller seul pour trouver les millions d’euros nécessaires pour transformer cet ancien espace de fraîcheur en espace de bien-être. La ville se décharge de ses responsabilités sur les citoyens.
- On attend toujours pour l’orangerie, dont la rénovation a été annoncée en grande pompe pour 2022. Résultat : à la date promise, les travaux n’avaient toujours pas commencé faute de financement. On nous parle maintenant d’une ouverture en 2025 avec des travaux cette année.
- La villa Clément est elle supposée ouvrir en 2026 avec là encore des travaux prévus à compter de cette année. Pour ce projet aussi, on attend de voir car il a connu des problèmes de financement.
- Pour l’atelier Meliès, c’est normalement prévu pour cette année.
- Le Couvent des Minimes a quant à lui obtenu son financement et est désormais ouvert. À ce propos nous attendons toujours la copie du bail accordé au lauréat (le Minimistan) que nous vous avons demandé.
- Vous étendez désormais Gren’ de projets à la chapelle des pénitents, rue Voltaire. Après avoir laissé dépérir ce bien classé pendant des années, vous montrez que vous n’apprenez pas de vos erreurs précédentes en choisissant une procédure qui va amener à des années et des années supplémentaires d’immobilisme.
Depuis 7 ans que “Gren de projets” est lancé, vous comprenez donc notre scepticisme face à ce bilan très maigre : une seule initiative est pour l’instant allée à son terme. Les difficultés de financement étaient pourtant prévisibles. Et avec elles le statu quo pour des édifices patrimoniaux en friche.
Et pourtant, au-delà de Gren’ de projets, vous étendez l’utilisation de ce type de procédure à d’autres opérations. Quelques exemples :
- Pour le restaurant du musée, après le départ du restaurant “le 5” parce que vous n’avez pas été capable de vous entendre pour le calendrier des travaux. Mixlab, que vous connaissez bien, a été choisi pour le remplacer via une procédure très opaque.
- Pour le bar-radis à Flaubert, promu avec force moyens par la communication de la ville, et qui espère atteindre, dans 5 ans, 20% des besoins en fruits et légumes du restaurant lui-même. De quoi relativiser un peu l’ambition du projet.
- Pour le quartier de l’Abbaye, nous en avons parlé au dernier conseil municipal, où vous avez désigné le lauréat d’une consultation pour un très gros projet immobilier, sans vraie mise en concurrence.
- On se dirige vers le même système pour le bâtiment qui héberge des services de la ville au 51 rue Mallifaud, sur le parking que vous comptez supprimer.
À chaque fois, on constate que l’usage de procédures autres que l’appel d’offres vous permet de choisir à l’aune de vos envies, avec une certaine opacité.
L’autre souci majeur avec cette inclinaison pour les appels à projet, c’est que la ville passe à côté de recettes potentielles importantes.
C’est pourtant la logique qui devrait prévaloir dans une ville confrontée à une telle situation financière. Lancer des appels d’offres ouverts permettrait de s’assurer que les projets aillent à leur terme et soient efficaces, avec des candidats retenus capables d’investir les sommes nécessaires.
Et cela n’empêcherait aucunement la ville de fixer ses attentes précises pour encadrer l’usage du patrimoine.
Aussi, Monsieur le Maire, comptez-vous tirer les leçons de l’échec de votre politique de l’appel à projets pour enfin vous tourner des appels d’offres ouverts ?