Lancés il y a près de 10 ans, les budgets participatifs sont loin d’avoir connu le succès escompté. Ouverts à tous les grenoblois de plus de 16 ans, donc à une très large part de la population, ils restent pourtant massivement boudés par les habitants.
En 2022, le Dauphiné Libéré expliquait, je cite, que “les budgets participatifs n’ont toujours pas trouvé d’écho auprès du grand public grenoblois (…) Malgré de grosses campagnes de communication municipales, la dynamique s’essouffle (…), la mayonnaise n’a pas pris au-delà d’un cercle de citoyens déjà convaincus« .
Tout de même conscient de cette absence d’engouement, avec ces quelques milliers de votants absolument pas représentatifs de l’ensemble des grenoblois et une érosion de la participation à chaque édition, vous avez décidé de légèrement revoir le fonctionnement.
Nous sommes donc passé d’un format qui avait lieu tous les ans avec 800 000 euros de budget, à une édition tous les 2 ans avec 1 800 000 euros de budget. Pour rendre votre idée plus attrayante, il n’y a plus de montant maximal par projet.
Mais ce faisant, vous ne corrigez aucun des nombreux problèmes inhérents au dispositif. Vous les aggravez, et vous poursuivez votre fuite en avant avec ce qui n’apparaît finalement que comme un moyen de donner l’illusion de la participation citoyenne à Grenoble.
Premier problème. La ville est exsangue financièrement, devenue première pour l’impôt, souffre d’un endettement record et de retards d’investissements considérables, car contrairement à votre communication, les dépenses d’investissements sont déjà en baisse cette année par rapport à 2023 malgré le matraquage fiscal.
Et malgré cette situation qui invite à la sobriété dans les dépenses publiques et à une allocation intelligente des ressources, vous débloquez 1,8 millions d’euros pour des projets pour lesquels les participants s’expriment sur des micro-sujets à l’aveugle, sans être informés de la situation financière de la ville, sans connaître les besoins d’investissements dans les domaines sociaux, éducatifs, sportifs, culturels, etc. qui apparaissent pourtant bien davantage prioritaires au plus grand nombre.
Deuxième problème. La question du fonctionnement des projets dans le temps n’est pas intégrée en amont. Que ce soit pour les coûts qu’ils généreront, ou pour leur efficacité à moyen et long terme. Les budgets participatifs existent depuis moins de 10 ans et nous avons déjà quelques exemples sous les yeux.
Ainsi en est-il du projet de “toilettes sèches urbaines”, ou à “éolienne” à 110 000 euros, installées et quasiment aussitôt dégradées, des “frigos solidaires”, ou autres “grebox” qui partent à chaque fois d’une sympathique intention et se transforment malheureusement en nouvelles friches abimant l’espace public.
Dans une ville, je le répète, asphyxiée financièrement, cette absence d’anticipation est totalement irresponsable.
Troisième problème. On constate que de plus en plus de projets sont portés par des employés de la ville, ou de structures très liées à la municipalité.
En 2022, un agent du service nature en ville a ainsi présenté un projet pour planter des arbres. Cette année, c’est un employé de l’ALEC, agence dont la ville est actionnaire, qui a remporté plus de la moitié du budget, 1 million d’euros, pour “renforcer l’autonomie énergétique de la ville” en installant des panneaux solaires.
De tels cas faussent le processus. D’une part, les budgets participatifs deviennent la béquille de la municipalité pour ce qu’elle ne fait pas par elle-même. D’autre part, ils lui permettent de faire porter des choix politiques qu’elle défend par d’autres, et ainsi de se fabriquer un alibi en se cachant derrière un pseudo choix des citoyens.
Enfin, quatrième problème. Je l’ai dit en préambule, les budgets participatifs ne sont utilisés que par un très faible nombre de Grenoblois, un cercle de convaincus non représentatifs de la population. Ils se retrouvent ainsi à prendre des décisions qui peuvent avoir un impact important sans que quiconque de concerné mais extérieur à ce vase clos ne soit consulté.
Le conseil municipal, démocratiquement élu et représentatif des Grenoblois, est systématiquement tenu à l’écart. Tout comme les unions de quartiers, représentantes légitimes des habitants depuis des décennies à Grenoble. Et je ne parle même pas des Grenoblois directement concernés, les plus éloignés de la décision.
Le projet de panneaux solaires de l’employé de l’ALEC que j’évoquais précédemment est un bon exemple de ces travers. Le porteur de projet, avec toute la sympathie des adjoints de votre majorité qui voient ça d’un très bon œil, envisage la couverture photovoltaïque du cimetière Saint-Roch.
Nous vous avons écrit, sans réponse de votre part, pour demander que le conseil municipal soit consulté et débatte de ce projet. Car la sensibilité de ceux qui viennent au chevet d’un être cher, le rôle de ce lieu de mémoire de recueillement, de méditation face à la mort d’un proche et de sa propre mort, n’est pas seulement « un foncier idéal” comme le dit le porteur du projet. L’immatériel à sa place qui ne doit pas être oubliée. Et cela mérite à minima un débat.
Et au-delà de cet aspect, les riverains du cimetière, les habitants des trois tours notamment, mériteraient d’être consultés sur les impacts esthétiques de cette idée d’implantation.
Aussi Monsieur le Maire, nous n’avons pas une mais trois questions pour tenter de corriger le tir de ces budgets participatifs qui n’ont pas trouvé leur public et qui cumulent plusieurs soucis majeurs. En 2022, votre adjoint à l’espace public reconnaissait que vous cherchiez toujours la bonne formule. Nous espérons donc que vous vous saisirez de nos propositions :
Pour chaque édition du budget participatif, pourriez-vous dresser la liste des sujets municipaux en attente d’investissements dans les domaines sociaux, éducatifs, sportifs, culturels ?
Pour chaque idée soumise au vote, pourriez-vous intégrer le calcul des dépenses de fonctionnement et une prospective sur l’évolution du projet à moyen et long terme afin que les Grenoblois en aient une vision complète ?
Enfin, pourriez-vous décider que chaque projet retenu sera soumis à la consultation du conseil municipal, du CLUQ et des unions de quartier concernées afin de démocratiser le dispositif ?
Avec le projet de couverture du cimetière, nous avons un cas concret pour lequel nous pourrions appliquer immédiatement ces règles. Nous espérons que vous vous en saisirez.