Monsieur le Maire,
Cette délibération s’inscrit dans la lignée des délibérations-cadre que nous adoptons à longueur de Conseils Municipaux, qui mobilisent les services, sont une des explications de l’asphyxie du fonctionnement de la ville et de sa bureaucratisation.
Il s’agit d’un catalogue répétitif à propos duquel on comprend qu’il a fallu se casser la tête pour lister 5 enjeux, 24 objectifs et 84 actions.
Par exemple, 10 ans après votre arrivée la ville découvre un grand enjeu : “connaître et protéger le patrimoine végétal”. Avec comme action une carte à jour : ah bon, parce que ce n’est pas le cas ?
On annonce aussi dans cette délibération que le conseil municipal va délibérer, ce qui fait une autre action, ou qu’on va définir des protections aux arbres ou encore signaler les arbres lors des travaux. Parce que vous ne le faites pas ? Vous ne protégez pas les arbres, vous ne les signalez pas lors des travaux ?
Avec vous on n’est jamais déçu. Votre grandiloquence des intentions se traduit toujours par une effrayante pauvreté d’action.
Vous définissez l’enjeu de “végétaliser et désimperméabiliser” ce que font toutes les villes, de développer les puits d’absorption de carbone, mais comment expliquez vous que nous soyons devenus la première grande ville de France pour les îlots de chaleur sous votre mandat ?
Avons-nous vraiment besoin d’une délibération pour « planter en ciblant les îlots de chaleur » !
Vous annoncez comme action “contribuer au PLUI pour la protection des arbres” : pourquoi ne l’avez vous pas déjà fait alors que le PLUi actuel a été voté par vos soins ? Pourquoi avez-vous laissé détruire déjà tant de jardins, tombés sous le joug du bétonnage intensif ?
Vous annoncez vouloir créer de nouveaux parcs et jardins alors que vous bétonnez massivement et que vous êtes en train de réduire un jardin existant, le modeste jardin Tarze à Jean Macé, de 3000m2. Un espace public, un puits d’absorption de carbone existant urbanisé dans la ville centre la plus dense de France. On croit cauchemarder.
Vous connaissez le jugement de Thierry Lebel, hydro-climatologue, directeur de recherche à l’Institut des géosciences de l’environnement de Grenoble, membre du GIEC et du conseil scientifique « Grenoble Capitale verte » selon lequel, je le cite : « les édifices qui ont poussé sur la Presqu’île sont aberrants : construits sur du bitume, avec une mauvaise circulation d’air. Or, dans une ville comme Grenoble, qui est une cuvette, il n’y a pas eu de véritable politique de la part des collectivités territoriales« . Nous sommes heureux d’être rejoints par un membre du GIEC sur nos analyses, et étonnés que vous utilisiez votre Bible seulement quand elle vous arrange.
Une presqu’île, je le rappelle, qui pour 4000 logements construits, soit environ 10 000 habitants, ne comptera qu’un jardin de 1 hectare, soit un mètre carré d’espace verts par habitant.
Je poursuis. Votre catalogue prévoit de faire respecter le règlement des parcs et jardins : vous délibérez donc pour vous rappeler vos devoirs. Il prévoit encore de « remplacer les arbres abattus ».
C’est tout simplement ridicule. Ridicule. À ce stade ce n’est plus de l’arnaque. 130 pages… J’oubliais parmi les “actions” : “améliorer le paysage et la qualité des aménagements”. Vous avez besoin de délibérer pour cela ?
Vous annoncez aussi l’objectif d’installer des fermes urbaines. Alors pourquoi avez-vous refusé nos propositions sur le terrain Allibert ou à la Bastille, que vous avez laissé urbaniser ?
Je suis étonné que Monsieur Namur ait fait disparaître sa tentative qu’il nous avait vendu avec conviction lors d’un conseil municipal, à savoir que la nature en ville s’était accrue de 7 hectares grâce à vous, plus que le seul Parc Pompidou que ma municipalité a créé. Cette sémantique trompeuse amalgamait tous les confettis de végétalisation pour en faire une sorte de nouveau parc qui n’existe pas. Il semble donc avoir abandonné cette menterie. Il devrait continuer dans cette voie.
Monsieur le Maire, la meilleure “stratégie de végétalisation” est d’éviter la bétonisation, donc la densification à outrance que vous préconisez et que vous conduisez et qui ne résout en rien les problématiques du logement et de l’hébergement d’urgence.
Grenoble est 27ème sur 31 grandes villes de plus de 50 000 habitants pour la part de nature en ville.
Du fait de notre géographie, notre fameuse cuvette, nous sommes plus exposés que d’autres aux canicules, nous devrions donc être en tête des villes nature et vertes.
Pour le faire, cela ne passe pas par des délibérations fleuves sans effets. Mais par une attention de tous les instants. Si vous aviez protégé les arbres au moment des travaux vous auriez sauvé les cerisiers du japon place de la gare, vous auriez sauvé les arbres magnifiques de la piscine Jean Bron, des arbres du square Silvestri, ceux de châtelet, les jardins et les arbres des villas qui bordaient Galtier, vous n’auriez pas abattu les peupliers de la rue Aymon de Chissé qui ne gênaient en rien votre projet de piétonnisation.
Mes municipalités ont réalisé de l’ordre de 10 % de la totalité du patrimoine nature en ville en 12 ans de mandat. Une vingtaine d’hectares. Les parcs Pompidou, l’extension des Champs Elysées, l’Alliance, Marliave, Valérien Perrin, le jardin de la place Lavalette et celui de l’Évêché, le square Coppié. Nous avons gardé les platanes de la caserne Reynies, empêché que ceux de Maréchal Randon soient abattus au moment de la construction du nouveau Musée.
L’indigence de vos résultats se lit dans la faiblesse des réalisations que vous êtes en mesure d’afficher au bout de 10 ans.
Cette bataille pour la nature en ville est un combat de tous les instants qui doit être une priorité. Vous ne pouvez pas mener des politiques opposées. Le « en même temps », le béton et la nature, ne fonctionne pas, là non plus.
Vous pouvez le faire quand vous voulez vous en occuper. Je voudrais vous rendre hommage car vous avez corrigé l’une de nos réalisations qui le méritait bien. Quand nous avons réalisé le modeste square Genin, rue Denfert Rochereau au centre ville afin que les enfants de ce secteur du centre ville disposent d’un petit espace vert, j’ai été très déçu du résultat puisque un tiers de l’espace était minéralisé entre la rue Denfert-Rochereau et la rue Crépu. C’était de ma responsabilité puisque ça m’avait échappé au moment du passage en municipalité et aux adjoints concernés.
Votre municipalité a revu la réalisation et réalisé une extension de la partie jardin.
Si vous aviez manifesté la même attention et le même intérêt à tous les projets de ville qui ont vu tomber les arbres et réduire la part de nature, bien des dégâts auraient évités, la part de nature en ville bien supérieure, la lutte contre les îlots de chaleur plus efficiente et l’objectif de neutralité carbone plus aisé à atteindre.
Cette délibération est un catalogue en trompe-l’œil qui voudrait masquer vos carences en la matière et camoufler la politique de densification massive de la ville que vous voulez conduire jusqu’à son terme. Elle pénalisera durement les générations futures.